Lundi 24 mars, Monseigneur Thierry Scherrer, Évêque du diocèse Perpignan-Elne, réunissait les prêtres et les diacres en la cathédrale d'Elne à l'occasion de la traditionnelle messe chrismale de début de la Semaine Sainte.
L'homélie de Monseigneur Scherrer
Frères et sœurs, mes amis,
C’est une grande joie pour moi, votre évêque, de présider au milieu de vous ce soir cette liturgie si belle et si riche de la messe chrismale grâce à laquelle nous allons vivre ensemble comme un pèlerinage aux sources de l’Église, un pèlerinage aux sources de notre baptême. Cette messe qui valorise la belle complémentarité des appels et des vocations est aussi l’occasion de signifier l’étroite collaboration que l’évêque vit avec ses prêtres et ses diacres dans l’exercice de la charge pastorale qui lui est confiée par l’Église.
« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ». Ces paroles du livre d’Isaïe rapportées par l’évangéliste saint Luc reviennent à plusieurs reprises dans la liturgie d’aujourd’hui, elles en constituent le fil conducteur. Elles rappellent un geste rituel qui possède une longue tradition dans l’ancienne Alliance, un geste qui s’est perpétué dans l’histoire du peuple élu lors de la consécration des prêtres, des prophètes et des rois. À travers le signe de l’onction, Dieu lui-même confie la mission sacerdotale, prophétique et royale aux hommes qu’il appelle, et il rend sa bénédiction visible pour l’accomplissement de la tâche qui leur est confiée. « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ». Dans la synagogue de Nazareth, Jésus s’approprie ces paroles avec une autorité qui surprend, qui stupéfie même ses auditeurs. « Cette parole que vous entendez, leur dit-il, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Par ces mots, Jésus se désigne comme étant l’unique et définitif « consacré », celui que le Père a oint de cette Onction qui est l’Esprit Saint en personne. C’est lors de son baptême dans les eaux du Jourdain que Jésus a reçu l’onction messianique. Jésus a été baptisé pour nous baptiser dans l’Esprit Saint. Ce jour-là, « c’est bien l’Esprit de Dieu, écrit saint Irénée, qui est descendu sur lui, l’Esprit de Dieu même qui, par les prophètes, avait promis de lui conférer l’onction, afin que recevant nous-mêmes de la surabondance de cette onction, nous soyons sauvés » (AH III,9,3). C’est donc en tant que Tête que le Christ a été oint au baptême en vue de sanctifier son Corps qui est l’Église. Ainsi que l’exprimait déjà magnifiquement saint Ignace d’Antioche dans son épître aux Éphésiens : « Si le Seigneur a reçu une onction sur la tête, c’est afin d’exhaler pour son Église un parfum d’incorruptibilité » (XVII, 2).
Quelle merveille, mes amis ! Par la grâce de notre baptême et de notre confirmation, nous sommes rendus participants de l’onction messianique du Christ dans sa triple dimension sacerdotale, prophétique et royale. Cette onction de l’Esprit qui nous imprègne durablement nous assimile à la vie de Jésus. Elle nous enseigne Jésus, nous le rappelle, le fait revivre en nous et pour nous à chaque instant de notre vie. Elle nous pousse dans le même sens que Jésus durant sa propre vie terrestre, c’est-à-dire dans le sens de l’amour et du don de soi, un don joyeux et constant, un don joyeux pour être constant. C’est dire que, fondamentalement, la vocation du chrétien baptisé est d’être un diffuseur de lumière, un diffuseur d’amour ainsi que le manifeste sensiblement le parfum du saint chrême que je vais dans un instant consacrer. Par les œuvres bonnes que nous réalisons, nous contribuons à répandre autour de nous la bonne odeur du Christ au cœur du monde. C’est en voyant nos œuvres bonnes, en effet, que les hommes, nos contemporains, pourront croire à leur tour. Cela, c’est une mission immense pour nous chrétiens, un défi quotidien, une responsabilité permanente : rendre crédible par notre engagement chrétien et le service désintéressé des autres le message d’amour de l’Évangile. L’Église, vous le savez, n’existe que pour annoncer l’Evangile.
Sans doute aurons-nous noté que, dans le passage d’Isaïe que Jésus s’approprie, l’insistance est mise d’une manière particulière sur l’onction prophétique : « Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres ». C’est important, car l’Église aujourd’hui ne peut pas être signe du Christ, signe du salut qu’il apporte au monde sans une attention renouvelée aux pauvres. Cette mission nous incombe à tous en solidarité étroite avec nos frères diacres qui vivent, par leur ministère, au plus près des précarités actuelles. En portant la Bonne nouvelle aux pauvres, nous découvrons d’ailleurs que ce sont eux, d’abord, qui nous évangélisent. Combien de fois nous en faisons l’expérience : les pauvres nous disent l’évangile par leur pauvreté, par leurs faiblesses mêmes : pauvres de moyens matériels, pauvres par leur santé psychologique ou mentale, pauvres dans leurs affections humaines, pauvres que la société rejette et exclut. Tous sont à leur manière des épiphanies de Dieu au cœur du monde. Merci aux diacres d’être pour notre Église diocésaine les signes du Christ-Serviteur, lui que le Père a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres. Et merci à leurs épouses de les encourager et de les accompagner dans cette belle mission.
Chers frères prêtres, à notre tour ce soir, chacun peut reprendre à son compte les paroles du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction ». Le jour de notre ordination en effet, nous avons été rendus, à un titre singulier,participants de l’onction sacerdotale du Christ. À partir de ce moment, la puissance de l’Esprit Saint qui s’est répandue sur nous a transformé notre existence pour toujours. Alors, bien sûr, l’imposition des mains n’a pas fait de nous, comme par magie, des hommes refaits à neuf. Elle n’a pas supprimé les rudesses de tempéraments, les aspérités de notre nature pécheresse. Elle ne nous pas, non plus, affranchis des vicissitudes de l’existence. Car les difficultés du ministère sont bien là, sans doute plus nombreuses aujourd’hui qu’hier. Elles s’accroissent même avec les épreuves de l’âge et la souffrance bien réelle aussi de constater que la relève peine à venir. Il n’empêche : cette puissance reçue de l’Esprit le jour de notre ordination ne peut nous faire défaut. Elle jaillit en permanence de notre cœur et de nos mains de prêtres pour que s’opère aujourd’hui encore la grâce du salut apportée par le Christ. Et cela doit nous tenir dans la louange du cœur et une continuelle action de grâce.
Mes amis, avec nos frères et sœurs catéchumènes qui seront bientôt baptisés et confirmés, mon cœur d’évêque s’associe à toutes les personnes éprouvées dans leur santé qui recevront l’onction des malades dans les prochaines semaines pour accueillir la force de Dieu. Je pense en particulier à celles et ceux que j’accompagnerai au mois de mai à l’occasion du pèlerinage diocésain à Lourdes. Prenons-les d’ores et déjà dans notre prière. Dans la grâce de l’onction que nous avons tous reçue, prenons avec audace notre part dans l’annonce de l’évangile. Laïcs, religieux-religieuses et ministres ordonnés tous ensemble, sans esprit de rivalité mais dans la joyeuse émulation qui nous vient de l’Esprit, relayons la bonne nouvelle d’un Dieu qui continue aujourd’hui encore d’aimer et de sauver le monde. Amen.
Qu'est-ce-qu'une messe chrismale ?
Une messe chrismale est une célébration liturgique spéciale dans l'Église catholique qui se déroule généralement pendant la Semaine sainte.
Cette messe est appelée "chrismale" car elle implique la bénédiction et la consécration de trois types d'huiles saintes utilisées dans divers sacrements de l'Église :
- L'huile des malades : utilisée pour l'onction des malades lors du sacrement de l'onction des malades (autrefois connu sous le nom d'extrême-onction).
- L'huile des catéchumènes : utilisée pour l'onction des catéchumènes lors du rite du baptême, généralement avant le baptême lui-même.
- Le Saint Chrême : utilisé pour l'onction lors des sacrements de baptême, de confirmation (chrismation) et d'ordination sacerdotale.
Pendant la messe chrismale, les prêtres et les diacres se réunissent avec leur évêque pour renouveler leurs promesses sacerdotales et pour recevoir les huiles consacrées qui seront utilisées dans leurs paroisses respectives tout au long de l'année pour les sacrements et les rituels.
La messe chrismale est donc une occasion importante dans la vie de l'Église catholique, où les membres du clergé renouvellent leur engagement envers leur ministère et où les huiles saintes, symbolisant la grâce et la présence de l'Esprit Saint, sont bénies pour être utilisées dans les sacrements qui marquent les moments clés de la vie spirituelle des fidèles.