Vendredi saint, vendredi 18 avril 2025. Il est 15 h à Perpignan, l’heure où, le Christ s’est éteint sur la croix.
Comme depuis plus de 600 ans, débute la procession de la Sanch, dans les rues du centre-ville.


Depuis l’église Saint-Jacques, les pénitents se préparent pour une procession de trois heures.
Avant le départ, Monseigneur Thierry Scherrer, prend la parole :
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. [...]
Nous allons nous-même nous mettre en route en suivant le dévot Christ. »

La procession traverse les rues, envahies par des milliers de personnes venues se recueillir ou simplement contempler cette tradition incarnant le chemin de croix.
Le Regidor ouvre la voie en agitant sa cloche de fer. À sa suite, les tambours, voilés de crêpe noir, font entendre leur rythme sourd et lent. Le cortège s'étire, solennel, à travers les rues de Perpignan.
Revivre la passion du Christ, c'est la vocation de cette procession.
Elle désigne les souffrances endurées par Jésus depuis son arrestation jusqu’à sa crucifixion et sa mort sur la croix. Elle représente l’acte ultime d’amour et de rédemption pour l’humanité.


Les mistéris, scènes sculptées de la Passion du Christ, parés de fleurs, sont portés à bout de bras par les membres des confréries venues de tout le département. Leur poids impose des arrêts réguliers.
Mais ici, chaque effort devient offrande, chaque pas un acte de foi.



Hommes en noir ou rouge, caparutxes sur la tête, femmes voilées de mantilles, chapelets en main, enfants dans les bras… tous avancent ensemble.


La procession de la Sanch, inscrite au patrimoine culturel et immatériel de la France, n’est pas un simple spectacle. Elle est mémoire.
Elle est l’expression visible d’une foi qui traverse le temps, touche les cœurs et continue de faire vibrer les pierres de la ville.




Retrouvez ci-dessous, une partie du discours de l'évêque à la Cathédrale Saint Jean Baptiste, puis dans son intégralité en téléchargement :
"Mes amis,
Je vous salue tous et chacun cordialement et respectueusement. Il nous est bon d'être ici ce soir ! Dans le tourbillon de nos vies agitées, au creux de nos existences souvent éprouvées, alors que l’actualité déroule sous nos yeux son cortège ininterrompu de violences et d’atrocités, notre présence fait signe, elle a même quelque chose de hautement prophétique. Rassemblés en frères et sœurs autour du Dévot Christ, notre station devant le parvis de notre cathédrale nous fait vivre comme un moment d'apesanteur. [...]


Bien sûr, nous ne cultivons pas l'irénisme, nous ne sommes pas dans l'illusion ou dans le rêve ; car la vue de ce Dévot Christ qui concentre notre attention et attire nos regards a quelque chose de proprement insoutenable, d'insupportable. Ce n’est rien de dire que la croix, quand elle se montre à nous, telle qu'elle est, toute nue, nous met en face de l'intolérable, de l'inadmissible. Et comment pourrait-il en être autrement ? Est-il admissible que des innocents par milliers soient torturés, massacrés, tués chaque jour ? Est-il admissible qu'il y ait encore aujourd'hui des hommes qui meurent de faim, des enfants qui soient livrés à la prostitution ? Est-il admissible que la vie de vieillards au bout du rouleau, de personnes en situation de vulnérabilité extrême, de malades jugés incurables soit écourtée au seul motif que leur vue nous indispose, qu'ils perturbent le rythme de notre quotidien ou qu'ils coûtent cher à notre société ? Dans un monde où seules comptent la performance et la rentabilité, dans une société invariablement tentée par la toute-puissance, le risque est grand d'oublier que la finitude et la vulnérabilité sont inhérentes à notre condition humaine. Et c'est pour le manifester, justement, et pour être en cela en solidarité totale avec cette humanité qui nous est commune que le Fils de Dieu a consenti à passer lui-même par la souffrance et par la mort.


« Voici l’Homme ! Ecce Homo ! », avait dit Pilate en amenant le condamné à la foule. Aussi étonnant, aussi paradoxal, aussi invraisemblable même que cela puisse paraître, ce Jésus sanguinolent, ce Jésus défiguré, ce Jésus qui n'a plus figure humaine vient révéler l’homme à lui-même. Et que vient-il nous dire sinon que notre dignité d'hommes et de femmes réside dans l'amour, et uniquement dans l'amour. Que vient-il nous dire sinon que la fragilité n’a jamais eu d’autre sens que de constituer un appel, un criant besoin de relation et donc, par voie de conséquence, un devoir de fraternité envers les êtres qui nous entourent. "


