Ce n'est qu'un au revoir serait on tenté de dire. Mais dimanche 18 septembre, Monseigneur Norbert Turini a fait ses adieux aux diocèse de Perpignan non sans exprimer une vive émotion. Désormais c'est à Montpellier qu'il siègera mais au peuple catalan, lors de cette messe d'action de grâce, il a voulu rendre hommage et dire toutes les grâces qu'il avait reçues ici en 7 ans d'épiscopat. La Cathédrale était pleine pour saluer une dernière fois celui qui aura été le berger du diocèse de 2015 jusqu'aujourd'hui. La veille ce sont les jeunes du diocèse, qui, à leur manière, avaient dit au revoir et merci à leur évêque. Lors d'une veillée pleine de vie et de cadeaux du coeur.

Retrouvez ci dessous l'homélie et le reportage photo de la messe d'action de grâce de Mgr Turini :

Sœurs et Frères,

Avant de vous quitter, je voulais célébrer cette messe d’action de grâce afin de remercier le Seigneur pour le don qu’il m’a fait de vous.

Lui dire et vous dire ma reconnaissance pour tout le bonheur que vous m’avez donné au cours de ces 7 années.

  • Je Lui doit tout : ce que je suis, ce qu’il a fait de moi : un pasteur au service de Son Peuple et plus largement un frère au service de tous.
  • Je Lui dois surtout chacune et chacun d’entre vous.

Le Seigneur m’a donné la grâce de partager une page de votre vie. Toutes ces belles rencontres riches de leurs diversités ont fait de nous des frères et soeurs dans la foi, mais également des frères et des sœurs en humanité.

Cette fraternité, c’est mon histoire d’amour, c’est notre histoire d’amour, écrite avec l’encre de l’Evangile.

C’est le message du Christ pour Son Eglise et j’aimerais vous le rappeler ce soir : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ».

Aimez-vous comme des frères.

  • Si l’Eglise ne vit pas cet amour,
  • si elle ne forme pas cette fraternité évangélique et spirituelle voulue par Son Seigneur et qui doit faire signe à toute l’humanité,
  • si l’on ne peut pas dire de nous : « Voyez comme ils s’aiment »,

Alors la Bonne Nouvelle ne parviendra pas à être

  • la Parole du Dieu qui nous fait vivre,
  • la Parole de Vie qui enflamme les cœurs, les esprits, les âmes et nous donne ce bel élan missionnaire qui nous pousse à la rencontre de tous sans exception.

Ce qui confirme notre reconnaissance comme disciples du Christ, oui, « c’est l’amour que nous avons les uns pour les autres ».

En partant, je vous demande de soigner la fraternité entre vous (prêtres, diacres, religieuses, religieux, fidèles du Christ).

Ne laissez personne vous la voler, vous l’enlever. Elle est un trésor, votre trésor.

Pour cela, revenez sans cesse au Christ qui en est le fondement, la force et la source.

  • Buvez Sa Parole,
  • nourrissez-vous de Lui, en communiant à Sa Vie,
  • retrouvez-le dans le sanctuaire de votre cœur quand vous descendez pour le prier. Il vous attend comme il vous désire.

C’est dans une relation forte et amoureuse au Christ vivant ressuscité,

  • que se forge la fraternité,
  • qu’il nous apprend à la vivre,
  • qu’il la rend possible avec nos diversités.

Regardez, il a permis à des hommes qui ne se seraient certainement jamais rencontrés ailleurs, tellement ils étaient différents, de devenir frères en les faisant apôtres.

Lui seul, par Son Esprit, peut unir nos différences pour permettre aux membres de Son Eglise, de

  • vivre l’amour fraternel,
  • d’en témoigner et
  • de l’offrir à tous

pour voir en l’autre plus qu’une personne, mais un frère, une sœur.

C’est difficile, mais si nous le lui demandons, il nous en donnera la grâce.

Certes tout n’a pas toujours été rose au cours de ces 7 années, ce serait trop simple. Mais si cela ne l’a pas été, c’est aussi par ma faute, à cause de mon péché et si j’ai pu blesser l’un ou l’autre d’entre vous, je lui demande pardon. Je ne veux pas partir sans le faire.

Nous avons traversé des épreuves comme en connaissent toutes les familles, elles ont meurtri notre vie diocésaine, parfois elles nous ont mis à terre mais ce n’est pas le jour de les détailler, elles ont existé et ont fait du mal en faisant des victimes révoltées.

Oui notre Eglise est marquée par le péché de ses membres, ce qui l’invite à l’humilité, à la compassion, au pardon, à la réparation et à la proximité avec celles et ceux qu’elle a pu faire souffrir.

Mais ma mère, depuis ma plus tendre enfance, m’a appris aussi à voir malgré toutes les tragédies de l’existence, le bon côté des choses et à ne retenir que le meilleur. Et il y en a eu beaucoup.

Ne vous laissez pas emporter par le pessimisme ambiant, ni par la sinistrose mortifère, ils vous empêchent de contempler l’œuvre de Dieu et ses merveilles. Je les ai vu de mes yeux émerveillés. J’ai même pu les toucher et voir Dieu faire merveille en vous tous et dans notre Eglise diocésaine.

Combien de fois, il m’est arrivé de chanter MAGNIFICAT, seul dans ma voiture, en rentrant

  • d’une visite pastorale,
  • d’un rassemblement diocésain,
  • d’une célébration de confirmation,
  • d’une belle soirée de partage et de prière,
  • d’un temps tout simple de rencontre, de convivialité et d’amitié

Je le répète, à travers vous, le Seigneur m’a donné tant et tant de bonheur, comment pourrais-je le lui rendre et vous le rendre !

Oui, le meilleur vient de Lui, pas de moi. De cela j’en ai la certitude. Si je ne L’avais pas rencontré sur la route de ma vie,

  • je ne vous aurais pas rencontré non plus, connu, aimé, servi.
  • Je n’aurai pas reconnu Sa Présence dans vos yeux, vos visages, votre vie, tout en contemplant dans Son Visage tous les vôtres.

J’aurais certes vécu d’autres choses et surement de belles choses, mais je sais maintenant tout ce que j’aurai perdu. Oui, le Seigneur m’a fait la grâce de voir et de saisir en chacune et chacun de vous Sa présence.

Pour cela je n’aurai pas assez de toute ma vie pour le remercier.

Merci pour cette belle histoire sainte que vous m’avez permis de vivre. Nous l’avons écrite ensemble et elle est loin de se terminer.

Merci pour ces 7 années de visitation qui déborde de mon coeur.

« Avance au large », c’est par cet ordre de mission que le Seigneur a appelé Pierre et ses compagnons pécheurs du lac de Tibériade pour en faire des pécheurs d’hommes.

C’est par ce même impératif, ce même appel qu’Il me demande aujourd’hui de vous quitter pour passer sur une autre « rive ».

Je suis heureux que Monseigneur Alain Guellec, évêque auxiliaire et administrateur apostolique du diocèse de Montpellier, soit présent. A travers toi, Alain, c’est un nouveau peuple qui m’attend, de nouveaux visages, de nouvelles rencontres, un nouveau diocèse qui m’ouvre ses bras. Avec toi présent, je commence mon passage. Merci d’être là, au côté de Mgr André Marceau qui m’a confié la barre du diocèse, il y a 7 ans.

J’ai découvert à 68 ans que le Seigneur n’en finit jamais d’appeler. Si j’avais des raisons par trop humaines de ne pas partir et de vouloir rester avec vous, Lui avait les siennes pour me dire à nouveau : « Viens suis moi ».

Alors il me faut remettre à l’eau la barque de ma vie, Le laisser monter avec moi, repartir avec Lui et Lui dire ! « Me voici pour faire ta volonté, envoie-moi ».

La fécondité de mon ministère ne dépend pas de moi mais de Lui. C’est Lui qui indique à Pierre le bon endroit où jeter les filets et qui rend possible cette pêche, miraculeuse et fructueuse. Pierre seul, en est incapable, il avait déjà renoncé.

Et c’est cela qui a fait peur à Pierre et qui me fait un peu peur : cette incapacité. Pierre s’est senti dépassé par cette pêche, qu’il ne maitrisait pas, alors que c’était son métier.

  • Il ne contrôlait plus rien
  • Il ne pouvait qu’accueillir.
  • Il était comme dépossédé de lui-même, de ce qu’il savait faire.
  • Il ne mesurait pas ce qui allait se passer quand il répondit au Seigneur : « sur ta parole, je vais jeter les filets ».

Les conséquences dépassaient ses compétences et il sentait l’effroi l’envahir, car ce que le Maître lui demandait, le conduirait trop loin et il ne s’en sentait ni digne, ni apte.

Alors dans ce cas, il n’y a que le refus ou la confiance : « Tu me connais Seigneur, je ne suis qu’un pauvre pécheur, tu connais mes limites, mais sur ta parole, je vais jeter les « filets », là où tu me le demandes ». Le reste t’appartient.

C’est dans cette confiance totale au Seigneur qui m’appelle par la voix de Son Eglise que je vous quitte.

Paul était triste de quitter les siens, mais il le fait parce qu’il sait que l’appel de Jésus est toujours le plus fort, alors il donne ses ultimes consignes aux responsables de l’Eglise qu’il a réunis avant son départ :

  • « Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau dont l’Esprit vous a établi les gardiens,
  • Soyez les bergers de l’Eglise de Dieu qu’il s’est acquise par son sang,
  • Et maintenant, je vous remets à Dieu et à Sa Parole de grâce, qui a la puissance de bâtir l’édifice et d’assurer l’héritage à tous les sanctifiés.
  • Venez en aide aux faibles et souvenez-vous de ces mots que le Seigneur Jésus lui-même a prononcés : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ».

Frères prêtres et diacres, je n’ai pas de paroles plus fortes que celles-là. Rendez-les toujours plus effectives, concrètes et vivantes au cœur de votre ministère

  • pour le bien de toute l’Eglise,
  • pour son rayonnement et
  • pour sa mission.

Merci à vous pour cette proximité fraternelle, pastorale et spirituelle qui nous a liés et unis pendant ces 7 années. Elle reste gravée dans la mémoire du cœur. Continuez à la cultiver avec mon successeur pour qu’elle poursuive sa croissance.

Une fois achevé son séjour à Milet, Paul repart, comme je vais le faire. Après ses dernières paroles et avant son départ « il se mit à genoux et pria ». Puis tous l’accompagnent jusqu’au bateau avant de rentrer chez eux.

Merci à vous aussi de m’accompagner ce soir dans la prière, l’affection et l’action de grâce. A la fin la messe, vous retournerez chez vous et bientôt un nouveau pasteur vous conduira, priez déjà pour lui, aimez le dans votre cœur.

Je vais partir, mais avant, permettez-moi de vous déposer dans les bras de Notre Dame de Font Romeu, tout contre son coeur. Elle est notre abri sûr. Elle a été mon étoile durant ces 7 années de ministère au service de notre Eglise diocésaine. Je lui dois beaucoup. J’ai voulu lui consacrer notre diocèse. Qu’elle vous garde avec St Joseph, dans l’amour de Son Fils et qu’elle fasse de chacune de vos vies, un Eternel MAGNIFICAT.

Même si ce n’est pas habituel, je me le permets ce soir : je vous embrasse de tout mon cœur.

AMEN